Artistes Kabyles

Slimane Azem

 

Slimane AZEM (PHOTO: DR)  

Respect oblige : Commencer par rendre hommage à ce grand homme philosophe et poete qui incarne la vie de milliers d'Algeriens voués à l'exil.

Slimane Azem est né en 1918, dans une famille de condition modeste au cœur des montagnes du Djurdjura.

À l’âge de douze ans, il commence à travailler dans la ferme d’un colon. Il prend le chemin de la France en 1937 comme de nombreux kabyles à la recherche d’une vie meilleure. Il travaille alors deux ans dans une aciérie de Longwy, puis est mobilisé à Issoudun. Réformé en 1940, c’est dans la capitale qu’il s’installe et travaille dans le métro qu’il chantera plus tard dans ses complaintes sur l’exil.

Réquisitionné pour le STO (Service du Travail Obligatoire), il connaît les camps de travail de la Rhénanie de 1942 à 1945.

De retour à Paris à la Libération, il tient un café dans le 15e arrondissement où il se produit pour la première fois. Une rencontre essentielle change alors le cours de sa vie : le célèbre Mohamed El Kamal, chanteur de l’immigration et spécialiste du jazz, le voit se produire, accompagné d’un petit orchestre amateur, et l’encourage à composer ses propres chansons.

Il lui permet de faire ses premières scènes dans son groupe alors en tournée à la fin des années quarante. Après avoir enregistré sa première chanson « A Moh A Moh » en 1951, complainte sur l’exil adressée au poète kabyle Si Mohand u Mhand,

 Madame Sauviat, seule disquaire spécialisée de l’époque, le présente à Ahmed Hachlaf, directeur artistique du catalogue arabe de Pathé-Marconi. C’est le début d’une longue carrière. Inquiété par la censure pour sa chanson « Affagh aya jrad » (Sauterelles quittez mon pays !),

La dépouille du chantre de la chanson poétique kabyle originaire de Agouni Gueghrane et décédé en France en 1983 va être rapatriée

Le 11 mai dernier, le président Bouteflika aurait donné officiellement son accord pour la faisabilité cette opération.
 L’association Euro-berbère se chargerait également de l’organisation de la cérémonies rendant hommage à cette figure de la culture kabyle.
Dans un communiqué de presse l'association annonce :«  une rencontre formelle de travail est intervenue entre le Directeur de l’Office National de la Culture et de l’Information algérienne, Monsieur Lakhdar Benterki et Monsieur Mohand Mickael Barache, Djidiga Chergou, dans les locaux de l'association, reconnue par les pouvoirs publics algériens, pour mener à bien les démarches relatives au rapatriement et à l’hommage national qui sera rendu au défunt M. Slimane Azem.  »
L’ Office national de la culture et de l’information devrait donc chapeauter l’hommage qui devra être rendu à l’artiste qui est partie intégrante du patrimoine culturel artistique kabyle.
Le chanteur poète avait marqué une fidélité indéfectible au caractère traditionnellement contestataire de la poésie kabyle, l'une de ses dernières chansons salue avec éclat et avec un titre très évocateur : (Ɣef Taqvaylit yuli was : sur  la Kabylité se lève le jour ).
Le même communiqué annonce que « dans les prochains jours une délégation se rendra dans le Tarn-et-Garonne pour rencontrer les autorités locales et les membres de la famille de Monsieur Slimane Azem » pour organiser le rapatriement de la dépouille de l'artiste.
 
 La ville de Moissac dans le Tarn-et-Garonne, où il était décédé avait décidé en 2008 d'honorer l'artiste kabyle, poète de l'exil, en baptisant une place de son nom!
 
 
 

                                                     Kamal Hamadi

 

Image du Blog labellerebellekabylie.centerblog.net
 

 Né le 22 décembre 1936 à Ath Daoud, commune de Yatafen (Wilaya de Tizi-ouzou) de son vrai nom Larbi Zeggane.est un chanteur algérien.

Artiste incontournable du Patrimoine kabyle et algérien, il a joué un rôle prépondérant dans l’émergence de plusieurs artistes de son pays. Compositeur et interprète dechaâbi, il joue aussi du oud.

De Idir, à Lounis Aït Menguellet en passant par Djamel Allam et la génération rai (notamment Mami et Khaled), tous, ont croisé la route du maître bénéficiant de son influence et de son prestige pour les uns, de son génie créatif pour les autres.

Mais malgré une carrière exemplaire et prolifique, Kamal Hamadi demeure une figure méconnue de la jeune génération et son œuvre mérite davantage d’être connue dans toute sa dimension.

Slimane Azem, pour la chanson et Sacha Guitry pour le théâtre l'ont beaucoup marqué dit-il. Malgré son oeuvre unique en son genre dans ses aspects quantité, qualité et variété,

Kamel Hamadi est resté peu médiatisé et reconnu contrairement à d'autres artistes.

 Biographie et évolution musicale

Son itinéraire singulier commence le 22 décembre 1936 à Aït-Daoud, un petit village perché sur le flanc du Djurdjura dans la région de la Grande Kabylie où il naquit.

Quatorze années plus tard, il quitte sa Kabylie natale pour s'établir dans la capitale afin d’y travailler dans le textile et y perpétuer l'art de la composition musicale.

Kamel Hamadi a débuté dans la couture pour devenir par la suite homme de théâtre et de radio avec une inspiration prolifique dans la chanson kabyle et autres. Alors que tout le prédestinait à la vie tranquille et anonyme d’un modeste ouvrier du textile, de fil en aiguille, s’est tissé un tout autre destin.

En 1952, son rêve se matérialise au hasard d’une rencontre avec Boualem Rabia, artiste reconnu parmi l’élite musicale de la capitale.

 L’homme « providentiel » le fait connaître auprès d’Arab Ouzellag qui l’encourage à persévérer dans la voie de l’écriture.

 Une année plus tard, sous l’impulsion de Saïd Rezoug , Kamal Hamadi fait ses premiers pas à la radio. Sa première chanson, en arabe dialectal, est interprétée à Radio Alger par Abdelkader Fethi.

 C’est ainsi qu’il passe de l’ombre à la lumière.

 En 1954, Larbi Zeggane endosse le nom d’artiste de Kamal Hamadi pour échapper à la colère familiale, troque définitivement son ciseau contre une plume et devient un subtil ciseleur de vers et un brodeur de mélodies accompli.

 C’est ainsi qu’il taille ainsi depuis un demi-siècle, des œuvres sur mesure pour les plus grands interprètes de la chanson kabyle et maghrébine, parmi lesquels figurent, l’illustre Mohamed El Anka, Hanifa, Aït Menguellet, Atmani, Karima, Smaïl Ahmed, Khaled, Mami et Noura, son épouse, «première star algérienne, avec Slimane Azem, de l’industrie musicale française» couronnée d’un disque d’or en 1970. 

   Très tôt « prisonnier de la magie du cinéma égyptien » Kamal Hamadi n’a pu résister à la tentation de devenir chanteur. En octobre 1959, il embrasse donc une carrière d’interprète et enregistre à Paris, pour le compte des éditions Tepaz, quelques titres de sa composition dont yid-em yid-em et lheq n rekba, plébiscités par le public.

 Mais le jeune homme se sait, avant tout, né pour écrire. De la puissante verve du poète jailliront deux milles œuvres ; des chansons, des pièces de théâtre, des opérettes, qu’il présente vingt ans durant à la radio où il s’impose comme un élément essentiel.

 Dans la vie artistique algéroise des années 50-60, influencée par une tradition musicale d’expression arabophone malgré la présence d’une communauté kabyle dominante.

Le jeune homme, fier de son identité berbère, a su faire entendre sa langue maternelle, composant en kabyle pour les grands maîtres de la chanson algéroise.

 Il puise son inspiration dans les préoccupations sociales quotidiennes de son peuple, incite notamment à la sauvegarde de l’héritage séculaire des ancêtres, aborde le sempiternel et douloureux thème de l’exil sans pour autant négliger des sujets plus joyeux et pétillants dont la légèreté n’aura pour seul but de plaire et de distraire.
 En 2008, il est élevé au rang de Chevalier de la Légion d'Honneur.
 
                                                                         
 

 IDIR

 

De son vrai nom Hamid Cheriet,

le garçon vit à Aït Lahcène, un village accroché à la montagne, avec paysans, saisons rudes et moutons laineux, niché au cœur de l’Algérie, à une trentaine de kilomètres de la capitale kabyle, Tizi-Ouzou.

Né le 25 octobre 1955, l’enfant libre se baigne dans les ruisseaux, pose des pièges pour attraper les oiseaux. Le soir, respectueux et émerveillé, il écoute à la bougie les histoires racontées par la grand-mère.

Le tableau aurait pu être éternel, mais au début des années 1950, l’électricité avait déjà fait irruption dans la vie des jeunes berbères algériens : c’est avec un bidon d’huile BP, un fil de nylon tendu qu’ils faisaient leurs premières armes de guitare. Toutes guitares mélangées : le oud, roi d’Arabie, le mandole prince d’Algérie, et bientôt l’électrique rock n’roll.

Le gamin monte à Alger à l’âge de neuf ans et devient chanteur par hasard (à ce propos, il cite Albert Einstein : « Le hasard, c’est quand Dieu descend incognito sur terre »). Hamid est élevé à l’école des pères blancs.

Au lycée, il rêve de devenir ingénieur en géologie « pour aller chercher du pétrole dans le Sahara ». Les Kabyles sont des « bouseux », dont la culture et la langue ont peu à voir avec l’arabe.

Ils se trouvent dans la capitale, chantent des chansons « pour retrouver des signes identitaires ». Il y a une jovialité berbère évidente, une pudeur, une retenue semblables.

 Radio Alger est à deux pas du lycée. Dans la tête d’Hamid trottent des mélodies. « J’avais fait une petite berceuse pour une chanteuse qu’on m’avait présentée. Elle tombe malade, le producteur traverse la rue, affolé. Il me ramène, je la chante, et la salle me la réclame, je la chante six fois ».

 L’engouement est immédiat. Idir a une voix mais pas de visage. « J’entendais les gens parler de moi, jusqu’à ma mère, qui trouvait que ce copain de lycée était sympa ! Puis j’ai fait une télé, elle a découvert son fils ! Elle voulait un toubib, un ingénieur, pas un chanteur ».

 

Idir se confond avec le destin politique de l’Algérie et de la minorité kabyle. Au lendemain de l’indépendance, en 1962, le FLN étale ses premières contradictions. « Comment cet Etat, qui prônait la libération des peuples, pouvait-il nier ses diversités ? Au nom de la suprématie de la langue arabe et de « l’unité nationale », tout nous était refusé.

Nous étions cantonnés dans les strictes limites du folklore local. En matière d’art, l’Etat avait des idées staliniennes : il fallait louer la révolution agraire, La nationalisation des pétroles.

En musique, les canons du bon goût étaient ceux du Moyen-Orient, avec quarante violons et orchestre ».

La musique d'Idir se caractérise par la multiplicité des instruments musicaux utilisés, mais ces chansons reposent sur les sonorités de la flûte au berger kabyle qui était le premier instrument appris et joué par Idir.
Guitare, flûtes et les autres Derboukas forment les variétés des voix qu'engagent ses berceuses pour marquer une touche moderne.

En 1974, Idir part au service militaire à Blida. Il enregistre son premier 45 Tours avec une face B - “A Vava Inouva”, un succès planétaire.
Deux guitares, deux voix, fini les grands orchestres orientaux. La révolution de la chanson kabyle est en marche. Idir, Aït Menguellet, Ferhat, ou Lounès Matoub, ( le James Dean de la république des montagnes ) selon l’humoriste Fellag, qui sera assassiné en 1998, en seront les fers de lance.

Ils sortent la langue et la culture berbère de l’enclave kabyle. Ils’exposent. Ils revendiquent le vaste ancrage du monde berbère, allant du Nord du Tchad jusqu’à la Méditerranée et des Iles Canaries à la presqu’île de Siwa en Egypte. Ils réclament une Algérie plurielle appartenant à ceux qui l’aiment et qui veulent la construire.

Idir vint à Paris,pris en main en 1976 par un directeur artistique de chez Pathé, Claude Dejacques, Idir commence une nouvelle vie, fait l’expérience de la démocratie, des partis politiques.

C’est de Paris, capitale de l’émigration kabyle, qu’il accompagnera les déchirements algériens, en particulier le « printemps berbère », soulèvement d’avril 1980.

 Chaque année la communauté berbère de France célèbrera l’anniversaire de l’embrasement de la Kabylie. Idir n’en manquera aucun.

Sans intégrisme, sans régionalisme obtus. La place de sage qu’aucun de ses compatriotes ne songerait à lui contester, Idir l’a conquise car il n’a cessé d’appeler à la réconciliation nationale, à la lutte contre le fanatisme,celui du FIS, le parti des intégristes, par exemple, en organisant par exemple « L’Algérie, la vie », concert commun avec le chanteur de raï l’arabophone Khaled en juin 1995.


En 1999, Idir publie IDENTITÉS, et revendique trois langues pour l’Algérie. L’arabe, le berbère, « langue mère de l’Algérieparlée des Canaries au Moyen-Orient, avec des variantes » ; le français, encombrant héritage dont « il convient de sortir Salan, Jouhaud, le colonialisme, mais pas d’éliminer Diderot, Voltaire ou Alain Bashung ».

L’album fait la part belle aux défenseurs de la dissidence et des minorités : Manu Chao, le Breton Dan Ar Braz (en 1993, Idir avait déjà enregistré ISALTIYEN avec Alan Stivell), l’Irlandaise Karen Matheson, Zebda, l’ONB, et Maxime Le Forestier, qui chante en kabyle, tandis qu’Idir lui répond en français, pour une version revisitée de « San Francisco ». Et l’histoire se répète .

 En 2001, la Kabylie se soulève, un “déluge” s’abat sur l’Algérie et Tizi-Ouzou. Jean-Jacques Goldman offre au Kabyle blessé des misères de son peuple une chanson, « Pourquoi cette pluie ? », l’eau du ciel et les larmes du peuple dissident mêlées.

Idir est-il toujours lui-même ?

Oui serein et publiant en 2002, DEUX RIVES, UN RÊVE, un mélange très singulier propre à Idir : des balades que la communauté berbère connaît pour toujours par cœur, mêlées à des chansons désormais inscrites au patrimoine musical de l’humanité, telle« A Vava Inouva », et des expériences en marche.

La morale de l’histoire ? Idir, l’enfant des montagnes, part en tournée sur la pointe des pieds. Il fredonne, et les enfants, les grands-mères avec lui. Il n’a pas besoin de chanter fort.

On l’entend toujours. Et voici le miracle : Idir donne des concerts, en amour avec son public, communautaire ou non. Les scènes sont son espace, sa joie. Les terres ses ancrages.

 C’est sur scène que ses appétits d’ouverture prennent forme,qu’ils deviennent les bons génies d’un futur à construire.

 Sans théâtre ni planche, Idir se replie dans sa lampe. Evidemment prêt de la sortie, parce que pour vivre, il faut chanter, et donner aux autres le plaisir et la force des mélodies surgies dans le secret d’une conscience.

ENTRE SCÈNES ET TERRES, est un DVD, et plus : la description du fil doré qui relie un petit garçon kabyle à ceux, le plus souvent nés ailleurs, qui viennent l’écouter par amour de l’art et de l’intelligence.

 

 

                                                           Cherif Kheddam

 

 
 

Né le 1er janvier 1927 à Aït Bou Messaoud en Haute Kabylie, Cherif Kheddam est l'ainé de cinq enfants et dont le père était un homme pieux et respecté.

Cherif Kheddam appartient à une modeste famille maraboutique affiliée à la confrérie des Rahmania.

En 1936, son père décide de l'envoyer à l'école française située à 17 km. Toutefois, les conditions étant dures, il change d'avis et l'envoie chez Cheikh Oubelkacem de la zaouïa des Boudjellil, située en face de Tazmalt, dans la wilaya de Bgayet pour poursuivre l'acquisition de la haute culture lettrée.

En 1942, il termine son cursus coranique.

A l'âge de 12 ans il débarque à Alger pour travailler comme journalier dans une entreprise de construction à Oued-Smar.

Trois années plus tard, suite à une dispute avec son patron, il quitte Oued-Semar.

En 1947, Chérif Kheddam quitte l'Algérie pour la France. À son arrivée, il s'établit à Saint-Denis puis à Epinay.

De 1947 à 1952, il exerce dans une fonderie et, de 1953 à 1961, dans une entreprise de peinture. Parallèlement à son dur métier, Cherif Kheddam prend des cours de solfège le soir chez des particuliers.

C'est donc dans le contexte de l'émigration que Chérif commence à pratiquer la musique et le chant. Tahar Djaout écrit à propos de l'exil de Chérif Kheddam : "C'est en France où il arrive à l'âge de 21 ans qu'il découvre vraiment l'art : la chanson maghrébine, arabe ou occidentale, les films égyptiens. Chérif Kheddam s'intéresse à tout cela de façon presque ludique.

S'il y a chez lui une "arrière-pensée" professionnelle, il ne se prend pas pour autant au sérieux, ne pense pas pouvoir un jour vivre de l'art. Pour la chanson kabyle de l'époque, la scène était occupée par Slimane Azem, Cheikh El-Hasnaoui et Alloua Zerrouki.

 Tout en demeurant sensible à toute belle musique, Chérif Kheddam se sent de plus en plus attiré par l'art occidental. Il découvre la musique classique, s'en imprègne, éprouve pour elle un grand penchant."

Sa première chanson Yellis n tmurt iw (Fille de mon pays), enregistrée le mois de juillet sur un disque 78-tours grâce au concours d'un ami français, libraire de profession. La diffusion du disque par la RTF (Radio-Télévision française) lui assura un certain succès.

Malgré son premier succès, Chérif kheddam chante dans des conditions toujours difficiles. Il mène deux activités diamétralement opposées : le travail dur de l'ouvrier et la création artistique qu'il tentera de maîtriser pleinement.

Chérif Kheddam persévère dans cette voie grâce à l'encouragement de ses amis, en particulier Madame Sauviat, disquaire, spécialisée dans la chanson orientale, qui, ayant remarqué la qualité de cette chanson, le dirigera vers Pathé Marcon qui lui établit un contrat en 1956.Il compose pour Radio Paris, puis pour l'ORTF plusieurs morceaux exécutés par le grand orchestre de la radio sous la direction de Pierre Duvivier. D'autres pièces sont interprétées en 1963 par l'orchestre de l'Opéra comique.

Mais du côté de ses confrères chanteurs, on a compris que la démarche de Chérif Kheddam est une démarche d'avenir. Ainsi la rencontre avec Ahmed Hachelef, directeur artistique, sera également importante dans la carrière de l'auteur. Les affres de l'exil et de la guerre d'Algérie le poussent au repli sur soi et à la création. De cette situation paradoxale naît l'œuvre musicale de Chérif qui va se tourner vers une carrière professionnelle.

Conscient de l'indigence qui affecte le patrimoine musical enfermé dans une tradition sclérosée, il tente de l'enrichir, de le rénover sans gommer ses caractéristiques. Il a su créer un espace d'expression ouvert sur la modernité, imposer une rigueur au niveau de la création qu'il n'a pas manqué d'inculquer aux jeunes chanteurs. Il a en effet, encadré des groupes et formé des émules de la chanson moderne qui, aujourd'hui encore, se réclament avec fierté du maître.

 Parmi eux, on trouvera des noms connus dans la chanson militante amazighe : le groupe Yugurten, Ferhat Imazighen Imoula, Idir, Aït Menguellet, Malika Domrane, Nouara, Ahcène Abassi...

Pendant l'année 1958, Chérif Kheddam composa et enregistra certaines de ses plus belles chansons : Nadia, Djurdjura, Khir Ajellav n'Tmurtiw, entre autres. Chérif Kheddam, qui a une très haute idée de la poésie, ne se considère pas comme un poète : il a répété à qui veut l'entendre que, pour lui, la musique est plus importante que les paroles, témoigne Tahar Djaout. Et pourtant, les compositions poétiques de notre chanteur sont d'une extrême sensibilité, d'une rythmique envoûtante faisant mouvoir un appareil métaphorique d'une originalité certaine.

Qu'il chante la femme kabyle, la montagne du Djurdjura, l'exil, la patrie, l'indépendance, l'amour et ses déboires, Chérif Kheddam exalte des valeurs esthétiques indéniables et s'éloigne du moralisme ambiant ayant marqué certains chanteurs de l'époque. La chanson Alemri est un exemple de réussite poétique et musicale qui fait partie des œuvres éternelles de l'auteur.

En 1963, Chérif Kheddam rentre au pays et prend contact avec la Chaîne II de la radio nationale qui l'engage aussitôt. Il avait animé plusieurs émissions de radio, mais c'est avec Ighennayen Uzekka qu'il sera connu et hautement apprécié pour avoir déniché des talents, conseillé et encouragé les nouveaux venus au monde de la chanson.

 Son émission équivalait à un sévère jury qui donnait le quitus à un avenir artistique pour le candidat ou le conseil pour s'éloigner d'une aventure où il risquerait de perdre du temps et de l'énergie pour rien.

Il est aussi sollicité comme professionnel dans une commission d'écoute en kabyle et en arabe au sein de l'ex-RTA. C'est grâce à lui que la chorale du lycée Fadhma-N'soumer fut créée.

L'idée se propagea aux autres établissements jusqu'à sélectionner plus tard les chorales du lycée Amirouche et du lycée El Khensa, d'où sortira par exemple la célèbre Malika Domrane. Chérif Kheddam prit sa retraite administrative en 1988.

Peut-on parler de Chérif Kheddam sans citer Nouara, la diva qui l'a accompagné dans un grand nombre de ses chansons et à qui il a composé des poèmes et des musiques ? Cet heureux mariage artistique entre deux sommets de l'art est sans doute un exemple unique dans la chanson kabyle en matière d'harmonie, de symbiose esthétique et d'affinités électives.

L’une des figues emblématiques de la chanson kabyle, Chérif Kheddam, l’auteur de Elemri (le miroir), est décédé le 23 janvier 2012, dans un hôpital parisien. Il était âgé de 85 ans et il était dialysé depuis une quinzaine d’année.

 

                                                                

 Lounis Aït Menguellet.

 

Aït Menguellet

 

Lounis Aït Menguellet de son vrai nom Abdenbi Aït Menguellet, est un poète algérien de musique berbère.

 Né le 17 janvier 1950 à Ighil Bouammas, village niché dans les chaînes montagneuses du Djurdjura dans la commune de Iboudraren daira de Ath Yenni wilaya de Tizi-Ouzou dans la région de Haute Kabylie au nord de l'Algérie.

 Lounis Aït Menguellet est certainement l'un des artistes les plus populaires de la chanson berbère contemporaine, un poète qui est devenu l'un des symboles de la revendication identitaire berbère.

 À propos des évènements qui ont secoué la région de Kabylie ces dernières années, il dit que, égale à elle-même, la région est un bastion de la contestation et qu’elle a toujours été à l’avant-garde des luttes.

 « Je parle de la kabylie à ma façon, afin d’apporter quelque chose pour que les choses évoluent », avant de s’empresser d'ajouter qu'il ne fait jamais de politique.

 Nombreux sont ceux qui considèrent que la carrière de Lounis Aït Menguellet peut être scindée en deux parties selon les thèmes traités :

 La première, plus sentimentale de ses débuts, où les chansons sont plus courtes

 La seconde, plus politique et philosophique, caractérisée par des chansons plus longues et qui demandent une interprétation et une lecture plus approfondie des textes. Ay agu (Brume), Iul s anga a nru (Le chemin est long), Nekwni s warrac n Ledzayer (Nous, les enfants d’Algérie) : Aït Menguellet choisit délibérément dans ses concerts récents de chanter ces poèmes, plus longs et plus composés, comme une invitation lancée à son public à une réflexion et à une découverte.

 En présentant son nouvel album à la presse, le 16 janvier 2005, à la veille de sa sortie le jour de son cinquante-cinquième anniversaire, à la Maison de la Culture de Tizi-Ouzou, Lounis a fait remarquer que « l’artiste ne fait qu’attirer l’attention des gens sur leur vécu et interpeller leur conscience.

 C’est déjà une mission et je ne me crois pas capable d’apporter les solutions aux problèmes ». Aigri par la situation sociale et politique de son pays déchiré, Lounis puise de moins en moins dans son répertoire de chansons sentimentales qui ont caractérisé ses débuts.

 

 

                                                                         Lounès Matoub

 

 Matoub Lounès

Lounès Matoub, plus communément appelé Matoub Lounès, est un chanteur et poète kabyle, engagé dans la revendication identitaire berbère.
Il est né à Taourirt Moussa Ouamar le 24 janvier 1956, en Kabylie, Algérie. Il meurt le 25 juin 1998, assassiné sur la route d’At Douala. Officiellement, cet assassinat est attribué au GIA. Mais le pouvoir algérien est accusé, notamment par la plus grande partie des citoyens de l’avoir assassiné.Matoub acquiert un statut de martyre pour les régionalistes et militants kabyles, qui estiment que leurs droits sont bafoués.

 A l’âge de neuf ans, il fabrique sa première guitare à partir d’un bidon d’huile de moteur vide, et compose ses premières chansons durant l’adolescence.

Sa prise de conscience identitaire et culturelle débute à la confrontation armée entre les Kabyles et les forces gouvernementales en 1963-1964.

 En 1968, le gouvernement algérien introduit une politique d’arabisation dans le système éducatif au détriment du berbère. Matoub réagit en n’allant pas à l’école. Finalement, il quitte le système éducatif et devient autodidacte.

 Installé a Alger ou il a fait une formation en mécanique a l institut de Bordj el Bahri dans la banlieue algéroise.

 En 1975 comme tout les jeunes de son âge il a reçu son ordre d appelle au service militaire qu’il ait passé a Oran, deux ans qui ont fait grandir une révolte dans l esprit de Lounes a cause du racisme arabe contre les berbères qu’il ait vécu dans la région oranaise .

 En 1978, il émigre en France à la recherche de travail. Arrivé en France, Matoub Lounès anime plusieurs soirées dans des cafés parisiens fréquentés par la communauté kabyle.

 C’est là qu’il se fait remarquer par le chanteur Idir qui l’aide à enregistrer son premier album, Ay Izem, qui remporte un vif succès.

 En 1980, le poète se produit pour la première fois à l’Olympia en plein évènements du printemps berbère.

 Il monte alors sur scène habillé d’une tenue militaire pour manifester son soutien aux manifestants kabyles. Depuis la sortie de son premier album Ay izem (Ô lion), Matoub Lounès célèbre les combattants de l’indépendance et fustige les dirigeants de l’Algérie à qui il reproche d’avoir usurpé le pouvoir et de brider la liberté d’expression.

 Chef de file du combat pour la reconnaissance de la langue berbère, il est grièvement blessé par un gendarme en octobre 1988. Il raconte sa longue convalescence dans l’album L’Ironie du sort (1989).

 Les textes de Matoub Lounès sont revendicatifs et se consacrent à la défense de la culture berbère.

 Il s’oppose à la politique d’arabisation et d’islamisation de l’Algérie. Il parle le kabyle, le français, et comprend l’arabe sans l’employer.

 C’est un partisan de la laïcité et de la démocratie, et s’est fait le porte-parole des laissés-pour-compte et des femmes. Opposé à l’islamisme et au terrorisme islamiste, il condamne l’assassinat d’intellectuels.

 Il fut enlevé le 25 septembre 1994 par le GIA (Groupe Islamique Armée), puis libéré après 15 jours au terme d’une mobilisation de l’opinion publique de la communauté kabyle.

 La même année, il publie un ouvrage autobiographique, Rebelle, et reçoit le Prix de la mémoire des mains de Danielle Mitterrand.
En 1995, il participe à la marche des rameaux en Italie pour l’abolition de la peine de mort alors qu’en mars 1995, le S.C.I.J.(Canada) lui remet Le Prix de la Liberté d’expression.
En 1998, il sort les albums Tabratt i;ukem (lettre ouverte au pouvoir).

 Ce dernier est de genre chaâbi. Il y dénonce la lâcheté et la stupidité du pouvoir algérien. Le morceau Tabratt i lukem de l’album éponyme, est construit en « kacide » (enchaînement de musiques différentes).

 Le dernier morceau est une parodie de Kassaman, l’hymne national algérien.
Le 25 juin 1998, il est assassiné sur la route menant de Tizi Ouzou à At Douala en Kabylie à quelques kilomètres de son village natal (Taourirt Moussa). Les conditions de ce meurtre n’ont jamais été élucidées.

 

 

 MOHAND SAÏD FELLAG

 MOHAND SAÏD FELLAG est né en 1950 à Azzefoun en Kabylie. À la mort de son père, il n'a que 15 ans.

 En tant qu'aîné d'une fratrie de trois frères et soeurs, il assume le rôle de chef de famille.

  En 1972, il termine ses études à l'Institut national d'art dramatique d'Alger.

 Il enchaîne des rôles dans différents théâtres, puis se décide à quitter son pays en 1978 pour des petits boulots, en France, au Canada et aux États-Unis.

 Il rentre en Algérie en 1985, y démarre une carrière d'humoriste, enchaîne les one-man shows.

 Il se marie à 40 ans, comme les « hitistes » de ses sketches qui n'ont pas les moyens de convoler plus tôt. Dix ans après son retour au bercail, il s'exile à nouveau en France.

 En 1997, il crée Djurdjurassique Bled en français et tourne dans Le Gône du Chaâba, de Christophe Ruggia.

 En 2000, il réécrit et adapte en français Un bateau pour l'Australie et publie son premier roman, Rue des Petites-Daurades (J.-C. Lattès). Son second livre, C'est à Alger (J.-C. Lattès), sort l'année suivante.

 En mars 2003, il est le premier lauréat du nouveau prix Raymond-Devos. En avril, la création de l'Opéra d'Casbah coïncide avec la sortie de Comment réussir un bon petit couscous (J.-C. Lattès). Un petit livre apéritif destiné à faire patienter ceux qui attendent L'Allumeur de rêves berbères, à paraître en décembre prochain.

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021